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Précédente diffusion : 18/11/2021 à 21:05 sur Logo TF1

«J’aime que Rebecca ne soit pas une héroïne ordinaire»

Interview d'Anne Marivin
Publié par le 07/12/2021

Six ans après avoir quitté la police, Rebecca reprend du service pour échapper à la dépression qui la ronge. Elle enquête sur une série de meurtres et est persuadée que le tueur est celui qu’elle n’avait pas pu arrêter par le passé. Anne Marivin interprète cette femme déterminée et accablée par des pertes de mémoire qui tente de se reconstruire coûte que coûte.

Quel a été votre sentiment à la lecture du scénario ?
Aujourd’hui, la série a beaucoup évolué et propose des projets très qualitatifs. J’avais quelques appréhensions quand j’ai su que Rebecca était adaptée d’une série actuellement disponible sur une plateforme. Mais dès les premières pages, j’ai vraiment été séduite. Didier Le Pêcheur et Delphine Labouret ont fait un gros travail d’adaptation. L’évolution du personnage sur huit épisodes offre une véritable exploration en termes d’interprétation. C’est rare d’avoir autant de temps pour explorer un personnage et raconter une histoire. J’aime que Rebecca ne soit pas une héroïne ordinaire. Elle est immorale et assez antipathique. Avant, les personnages féminins étaient des faire-valoir, des mères courage ou des femmes absolument parfaites qui n’existent pas dans la vraie vie. Il y a plein d’aspérités chez elle que j’aime beaucoup.

Quelles sont-elles ?
Passionnée par son métier d’enquêtrice, Rebecca est confrontée au drame, à la misère et à des événements si dramatiques qu’elle n’en sort pas indemne. Elle a toujours ramené son boulot à la maison et a mal géré. Obsédée par son enquête, elle a fini par délaisser sa vie de maman et de femme. Elle en souffre et culpabilise. Avec son mari, ils forment un couple qui s’est aimé profondément mais ils ont vécu un tel cataclysme, qu’ils s’en veulent mutuellement. Ils se haïssent autant qu’ils s’aiment.

Rebecca est victime de trous de mémoire. C’est vertigineux de ne pas savoir ce que l’on a fait ou ce qu’il s’est passé.

Elle souffre d’amnésie dissociative. Qu’est-ce que cela implique ?
Rebecca est victime de trous de mémoire. C’est un gros pan de sa personnalité. C’est vertigineux de ne pas savoir ce que l’on a fait ou ce qu’il s’est passé. Je ne connaissais pas du tout cette pathologie. Ce fut un vrai challenge d’aller fouiller dans les entrailles de ce personnage. J’ai dû aller chercher des choses qui m’étaient totalement inconnues. Je me suis beaucoup documentée sur le déni. Un traumatisme peut rester inconsciemment enfoui et ressortir des années après car il y a des choses que l’être humain est incapable d’admettre pour survivre.

Comment appréhende-t-on un personnage qui peine lui-même à savoir qui il est ?
Quand j’ai découvert les séances d’hypnose dans le scénario, je me suis demandé comment les aborder et surtout comment jouer des scènes et des émotions que le personnage a enfouis et dont il ne se souvient pas. C’était à la fois assez terrorisant et extrêmement excitant. Pour le téléspectateur, c’est d’autant plus palpitant qu’il avance en même temps que Rebecca. Il suit exactement le même tempo qu’elle.

Ce n’est pas la première fois que vous interprétez une femme qui se bat pour ses enfants…
Depuis quelques années, on aborde enfin le fait que la maternité n’est pas instinctive ou innée et qu’il y a autant de mères que d’enfants. Cela me touche car j’exerce un métier par passion et que je ne suis pas toujours totalement disponible pour mes enfants. Jongler avec toutes ces problématiques est compliqué. Il faut l’accepter, être plus douce avec soi-même et arrêter de nourrir cette culpabilité de «mauvaise mère». Avoir des héroïnes qui n’en sont plus culpabilise beaucoup moins les femmes. C’est une avancée de proposer à la télévision ou au cinéma une autre image du schéma familial. Personne n’est dans la perfection, ça n’existe pas.

Vous retrouvez Didier Le Pêcheur qui vous avait déjà dirigée notamment dans «Tu es mon fils»…
On se connaît depuis longtemps. C’est vraiment un confort. J’aime beaucoup son attitude sur un plateau car il n’a pas d’ego et travaille en collaboration avec les acteurs. On se faisait confiance. Sur une série de 8 épisodes pour laquelle on doit tourner 8 minutes utiles par jour, cette confiance fait gagner un temps fou. C’était extrêmement intense, d’autant plus que je n’avais aucune scène de comédie. Ces 100 jours de tournage ont été chronophages mais passionnants. J’ai adoré cette expérience.

Benjamin Biolay interprète votre mari. Comment s’est passée votre collaboration ?
J’étais hyper heureuse de lui donner la réplique car c’est assez inattendu d’avoir Benjamin dans ce genre de projet. Habitué à la solitude dans sa création musicale, il adore le collectif. Tout de suite, nous avons partagé la même vision de ce couple et les mêmes références pour les scènes de violence, de manipulation et de perversité entre eux. J’étais également très heureuse de tourner avec Clotilde Courau, une des seules femmes avec moi sur le plateau. Je ne la connaissais pas du tout. Son personnage n’est vraiment pas facile à jouer. Elle l’a fait avec beaucoup d’humilité et de bienveillance. J’ai aussi beaucoup apprécié avoir Baptiste Lecaplain à nos côtés. C’est une espèce de trublion et un acteur génial.

Quelle est votre actualité ?
J’ai tourné dans Visions d’Akim Isker avec qui j’avais très envie de travailler. J’y joue la mère d’un enfant autiste interprété par un garçon incroyable.